Retour sur le temps fort du plaidoyer d’ESS France du 13 septembre 2022
Retour sur le temps fort du plaidoyer d’ESS France du 13 septembre 2022
Le 13 septembre dernier, ESS France, en partenariat avec Aéma Groupe, a organisé son temps fort du plaidoyer intitulé « 5 ans au service du développement de l’ESS ».
Cet événement phare de la rentrée a permis de porter une parole collective de l’ESS, en début de ce quinquennat pour se saisir des 5 prochaines années au service du développement de l’ESS. En partageant ses priorités pour l’année de travail et en ouvrant un dialogue républicain aux côtés de parlementaires ainsi que de Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, l’ESS s’est rassemblée pour faire de ce mode d’entreprendre un levier indispensable des grandes transitions à venir.
Un événement en partenariat avec Aéma Groupe
Hébergé au sein de l’auditorium d’Aéma Groupe, l’événement a été introduit par le Président de cet acteur majeur de la protection sociale en France et profondément ancré dans l’économie sociale et solidaire. Comme l’a formulé Pascal Michard, Président d’Aéma Groupe, dans son discours d’introduction, à travers ses réalisations quotidiennes, Aéma Groupe démontre chaque jour que le modèle d’entreprise de l’ESS est non seulement possible mais que la société peut entrer dans l’entreprise pour que l’entreprise soit pleinement légitime dans la société.
Pascal Michard a su rappeler l’importance et la place que l’ESS occupe dans le monde économique.
L’économie sociale et solidaire n’est pas une alter-économie, comme assignée à résidence, c’est une composante à part entière de l’économie (une entreprise de l’ESS évolue dans l’économie de marché et souvent dans un contexte très concurrentiel), mais elle repose sur des ressorts philosophiques, économiques et stratégiques différents. […] nous ne sommes pas des entreprises comme les autres mais comme les autres nous sommes des entreprises.
Lire le discours de Pascal Michard
Les premiers axes de travail présentés par la nouvelle Ministre en charge de l’ESS, Marlène Schiappa
Prenant la parole pour la première fois devant les composantes rassemblées de l’ESS, Marlène Schiappa, a réaffirmé combien l’ESS constitue un modèle de coopération, un laboratoire d’idées répondant aux grands enjeux de notre temps et au service de l’intérêt général.
Rappelant l’impératif de changer nos systèmes et d’adopter les solutions qui ont fait leurs preuves, la Ministre a expliqué le rattachement de l’ESS auprès de la Première Ministre par le souhait de traiter l’ESS dans les politiques publiques dans son rapport transversal et interministériel. Par un investissement de près de 2.5 millions d’euros dans les Pôles Territoriaux de Coopération Economique (PTCE), la Ministre a dévoilé les premiers actes de sa feuille de route. Elle est également revenue sur les travaux qui devront être menés en matière de commande publique, sur la perspective d’une évaluation de la Loi du 31 juillet 2014 sur l’ESS à l’occasion de ses 10 ans, sur l’installation à venir du Conseil Supérieur de l’ESS et enfin sur son attachement au Mois de l’ESS comme temps de célébration de ce mode d’entreprendre.
Six grands axes pour engager le développement de l’ESS présentés par Jérôme Saddier, Président d’ESS France
Dans son intervention, Jérôme Saddier, Président d’ESS France, a dévoilé six axes de travail qui constitueront les priorités d’ESS France pour l’année à venir, des éléments approfondis par la suite lors de deux tables rondes.
Lire le discours de Jérôme Saddier
1/ L’ESS doit être au cœur des politiques de transition écologique et de leur planification
L’ESS peut contribuer à une économie plus résiliente sur les territoires, engagée dans des politiques de transition écologique, innovant socialement notamment en faveur des plus défavorisés, et mobilisant les énergies citoyennes.
C’est à ce titre que Jérôme Saddier a appelé de ses vœux à la mise en place de décisions structurelles indispensables à la transition écologique et au soutien des organisations de l’ESS qui œuvrent pour cette transition :
- des règles économiques favorisant la transition de modèle ;
- des transformations profondes de nos modèles de production industrielle, agroalimentaire, de nos mobilités… ;
- des financements massifs et durables, publics et privés ;
- des engagements des acteurs économiques et sociaux.
Sur ce dernier point, il paraît essentiel que les organisations de l’ESS soient parties prenantes d’une forme de planification démocratique en matière de transition écologique, et de toute démarche de concertation avec les pouvoirs publics dans les champs et thématiques qui y seront attachés.
ZOOM sur les enjeux de renouvellement de la démocratie sociale et citoyenne :
Comme l’ont rappelé lors de leurs interventions Claire Thoury, Présidente du Mouvement associatif et Hugues Vidor, président de l’Union des Employeurs de l’ESS (UDES), dans un contexte de crise démocratique, la place des citoyens et du dialogue sera déterminante. Il est nécessaire d’interroger l’ensemble de la méthode du dialogue avec les corps intermédiaires. Les prises de position des acteurs de la société civile de l’ESS lors du CNR ont su démontrer qu’il est possible de travailler de concert et de faire entendre les attentes. « On a un sentiment très fort chez nos concitoyens et concitoyennes que les institutions ne sont pas toujours en mesure de répondre aux problématiques qu’ils rencontrent. Il y a une inadéquation entre les problématiques rencontrées et les solutions proposées » a rappelé Claire Thoury. Elle ajoute que ce ne sont pas les causes qui manquent : écologiques, sociales, etc. il n’y a pas de crise de l’engagement, les citoyens et parmi eux les jeunes sont très nombreux à s’impliquer dans les associations et d’autres formes, mais il faut que les acteurs de la société civile organisée travaillent à « collectiviser les causes », à construire un discours collectif permettant d’exprimer le monde que nous voulons.
2/ L’ESS doit être partie prenante des filières de l’économie de demain
Les organisations et entreprises de l’ESS sont présentes dans de nombreux secteurs d’activité, dont elles sont parfois pionnières, souvent incontournables. Elles démontrent quotidiennement que le développement économique peut explorer d’autres voies plus compatibles avec la disponibilité des ressources naturelles, avec la cohésion sociale et démocratique, avec l’équilibre entre territoires. Jérôme Saddier rappelle que « non seulement nous incarnons déjà une « économie de la réconciliation », mais nous pourrons aussi promouvoir « l’économie citoyenne et populaire » nécessaire pour tracer une nouvelle voie de progrès ». Elles font la preuve de l’agilité et de la créativité de leurs modèles, ainsi que la rappelé Mamadou Touré, Vice-Président de la FEI, lors qu’il est intervenu pour faire part de la résilience du secteur de l’insertion.
Ainsi, dans le cadre de la planification économique que l’ESS appelle de ses vœux, il paraît indispensable de soutenir la création de filières dans lesquelles l’ESS serait motrice. « Nous devons aussi bénéficier d’une plus grande intégration dans la commande publique de l’Etat et des collectivités territoriales : des règles existent pour les marchés publics mais encore faut-il les appliquer partout ; au-delà de la commande publique, les acteurs publics doivent surtout réapprendre (sans frilosité juridique excessive) à travailler en partenariat avec des acteurs qui sont essentiels à la vitalité de la citoyenneté, à la cohésion sociale et même à la prise de conscience écologique de notre pays ».
Partageant ce point de vue sur la commande publique, Sophia Chikirou, Députée de Paris et rapporteure du budget ESS pour le PLF, a également insisté sur la nécessité d’exiger la conditionnalité des aides publiques.
3/ L’ESS doit s’appuyer sur des écosystèmes territoriaux performants et ambitieux
ESS France renforcera son soutien à toutes les formes de coopérations entre acteurs sur les territoires. Les PTCE sont l’une de ces formes et ESS France appelle à un engagement fort de l’Etat pour œuvrer à leur pérennisation.
Les CRESS, qui sont légalement positionnées comme le pivot du développement de l’ESS dans les territoires, ne bénéficient toujours pas des moyens financiers publics décents qui leur permettraient d’assurer leurs missions déterminées par la loi de 2014, un constat partagé également par Michel Jézequel, Président de la CRESS Bretagne lors de la table ronde.
C’est ce pourquoi ESS France demande une mission d’évaluation de la loi concernant les moyens financiers dédiés à sa bonne application.
4/ L’ESS doit incarner l’avant-garde des entreprises à impact
Guy Benarroche, Sénateur des Bouches-du-Rhône a rappelé lors de sa prise de parole que l’ESS n’est pas un secteur, mais un autre modèle de pensée alors qu’il existe un modèle dominant en crise. L’ESS a cependant toujours réussi à se développer alors que les règles de marchés et les normes n’ont pas toujours été très favorables à son modèle. Ce sont pourtant les spécificités de l’ESS qui détiennent une partie des solutions face aux dérives que nous pouvons observer dans le reste de l’économie.
C’est forte de cette légitimité que l’ESS affirme pouvoir contribuer à définir les contours de l’entreprise de demain, et à être dès aujourd’hui à l’avant-garde des entreprises dites « à impact ». La démonstration de la performance sociale et environnementale de nos activités constitue un élément essentiel à la crédibilité de notre trajectoire.
La formalisation et la valorisation de l’impact doivent désormais s’intégrer au cœur des modèles de productions de biens et de services, et les résultats devraient pouvoir être convoqués et rendus transparents, notamment en matière d’impact carbone. Il y a pour cela besoin d’une forte impulsion de l’Etat dans sa compétence normative : en effet, les référentiels sont trop nombreux, souvent concurrents et parfois opaques ; leur philosophie est encore bien trop inspirée par la comptabilité classique alors qu’il existe une formidable opportunité de s’ouvrir aux dimensions sociale et environnementale de la comptabilité.
Quant aux entreprises et organisations de l’ESS, Jérôme Saddier les a appelés à se saisir rapidement de cet enjeu. C’est notamment le sens des travaux menés par ESS France sur un « code de gouvernance des entreprises de l’ESS », mais aussi de notre proposition de création d’un dispositif d’accompagnement à la transition écologique dans l’ESS sur le modèle du DLA. Par ailleurs, Christophe Genter, Directeur du département Cohésion sociale et territoriale à la Banque des Territoires, Groupe Caisse des Dépôts, s’est exprimé sur l’indéniable prise de conscience des investisseurs concernant la crise sociale et écologique, et l’attention particulière portée par ceux-ci aux activités génératrices d’un impact extra-financier.
5/ L’ESS doit bénéficier d’une pleine reconnaissance européenne et internationale
L’année qui s’est écoulée a connu des avancées majeures quant à la reconnaissance et à la promotion de l’ESS en Europe et dans le monde.
ESS France appelle désormais à :
- l’adaptation des politiques publiques et réglementations européennes aux potentialités de l’ESS,
- la reconnaissance des spécificités de nos entreprises et organisations,
- la défense de l’ESS comme l’un des moyens de relance de l’Union européenne et de réaffirmation des valeurs du projet initial. de cette dernière.
ESS France se saisira des présidences espagnole puis belge qui constitueront sur ces éléments des moments importants, à soutenir. ESS France appelle également à un engagement fort du gouvernement pour une reconnaissance internationale de l’ESS. Après les premières étapes franchies à l’OIT ainsi qu’à l’OCDE, l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 2023 est une occasion de reconnaître les contributions de l’ESS à la justice sociale, à un développement économique soucieux des personnes et respectueux de l’environnement, mais aussi à la paix.
6/ L’ESS doit enfin avoir la garantie durable de sa considération par les pouvoirs publics
La place de l’ESS dans les nécessaires dynamiques de transition et les politiques publiques qui en découleront n’est pas encore garantie par des moyens étatiques pérennes.
Ainsi, ESS France souhaite que le CSESS se saisisse d’un travail approfondi relatif aux moyens dédiés à l’ESS, tant au niveau de l’Etat central que dans ses dimensions déconcentrées. En effet, il paraît crucial de sécuriser la place de l’ESS dans les administrations de l’Etat, de lui assurer une assise interministérielle pérenne, d’organiser au niveau des SGAR une interlocution de haut niveau dans les territoires.
ESS France porte la conviction qu’il serait judicieux de favoriser, par exemple au moyen de fonds de revitalisation territoriale, la reprise ou la transformation d’entreprises conventionnelles en entreprises de l’ESS – en d’autres termes « ESSiser l’économie ». L’intervention de Fatima Bellaredj, Déléguée Générale de la Confédération générale des SCOP lors de la table ronde a fait écho à cette ambition, en appelant à une véritable politique d’investissement dans l’ESS.
Enfin, il paraît nécessaire que l’ESS soit intégrée au dialogue social de haut niveau, considérant la réalité de nos activités et le poids de nos structures employeuses, élément réaffirmé par Hugues Vidor, Président de l’UDES, lors de sa prise de parole.
Réécouter les tables rondes animées par la journaliste Edwige COUPEZ
Comment libérer l’initiative citoyenne ? Comment mieux représenter l’ESS, comment avoir un meilleur accès aux capitaux privés ? comment soutenir l’économie des territoires ? Pour accompagner les transitions et faire de l’ESS la norme de l’économie de demain.
La table ronde « Construire une démocratie sociale et citoyenne », s’est tenue en présence de : Mme Claire Thoury, Présidente du Mouvement Associatif, M. Hugues Vidor, Président de l’UDES, et M. Guy Benarroche, Sénateur des Bouches-du-Rhône.
Ecouter cette séquence
La seconde table ronde, portant sur la thématique « Développer l’ESS économiquement et territorialement », a rassemblé : M. Michel Jézequel, Président de la CRESS Bretagne, M. Mamadou Touré, Vice-Président de la Fédération des entreprises d’insertion, Mme Fatima Bellaredj, Déléguée générale de la Confédération Générale des SCOP, M. Christophe Genter, Directeur du département Cohésion sociale et territoriale à la Banque des Territoires, Groupe Caisse des Dépôts et Mme Sophia Chikirou, Députée de Paris et rapporteure du budget ESS pour le PLF.
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Voir la vidéo introductive sur les attentes des acteurs de l’ESS.