Retour sur l'événement de lancement du Mois de l'ESS 2024
Retour sur l'événement de lancement du Mois de l'ESS 2024
Lundi 4 novembre, ESS France a lancé le Mois de l’ESS 2024 en présence de plus de 180 personnes, au siège du Groupe VYV, autour du fil rouge thématique de cette édition : « Réparer la démocratie ». Dans un contexte où la démocratie représentative peine à mobiliser, l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) offre une réponse concrète, dynamique et participative, propice à rétablir le lien de confiance entre les citoyens et le processus de délibération collective.
Plusieurs temps forts ont rythmé la soirée, en commençant par des prises de parole introductives avec le mot d'accueil de Stéphane Junique, Président du Groupe VYV, la prise de parole de Benoît Hamon, Président d'ESS France et l'intervention de la Ministre déléguée en charge de l'ESS, de l'Intéressement et de la Participation, Marie-Agnès Poussier-Winsback. À l'occasion de la table ronde "Quel avenir pour la démocratie en entreprise ?" quatre intervenants ont apporté leurs regards, visions et propositions sur le sujet. Michel Jézéquel, Vice-Président d'ESS France et Président du Jury national des Prix de l'ESS, a dévoilé les lauréats nationaux 2024 sur les catégories "Utilité sociale" et "transition écologique".
Mot d'accueil de Stéphane Junique, Président du Groupe Vyv
Stéphane Junique, Président du groupe Vyv a déclaré "C'est un grand plaisir de vous accueillir aujourd’hui dans les locaux du Groupe VYV pour le lancement de la 17e édition du Mois de l’Économie Sociale et Solidaire." Son discours a porté sur le fait d'être un acteur de l'Economie Sociale et Solidaire aujourd'hui comme acte de courage et comme acte de réinvention des idées de transformation sociale et de progrès. Il a également insisté sur le fait qu'être un acteur de l'ESS revient à porter des combats nécessaires pour toute la société : transition écologique, inclusion, lutte contre la pauvreté, accès au droit etc.
Les initiatives de l'ESS foisonnent et témoignent de la vitalité des acteurs de la société civile comme autant de preuves concrètes qu’il existe une alternative durable au fatalisme.
Stéphane Junique a rappelé l'engagement du groupe VYV qui est pleinement partie prenante du Mois de l'ESS, et qui porte à travers le groupe plus de 200 évènements durant ce mois, en proximité. S'adressant à Madame Marie-Agnès Poussier-Winsback, Ministre déléguée chargée de l'Économie sociale et solidaire, de l'Intéressement et de la Participation, il a déclaré : "Vous avez Madame la ministre le plus beau des portefeuilles : nous comptons sur vous. Ne doutez pas que des acteurs qui combattent est un atout pour vous."
Discours de Benoît Hamon, Président d'ESS France
Après avoir remercié le Groupe VYV d'accueillir l'événement de lancement du Mois de l'ESS 2024, Benoît Hamon, Président d'ESS France est entré dans le vif du sujet en révélant deux chiffres marquants. Le premier : 5,7 millions d'habitants dans le monde vivent dans des autocraties*. Le second : depuis 33 ans la France a multiplié par 6 son risque de basculer dans un régime autoritaire**. Benoît Hamon souligne ainsi l'évolution du contexte démocratique et que "les citoyens se détournent de la démocratie représentative et la jugent impuissante à répondre à des problèmes concrets". Dans ce contexte "L'ESS est une ressource démocratique incomparable vers laquelle il est indispensable que le gouvernement et le parlement se tournent". Il a exposé plusieurs raisons pour cela :
- L'ESS réunit des entreprises démocratiques : des entreprises où 1 personne = 1 voix.
- L'ESS sans se résumer à cela, joue un rôle dans la réparation du monde
- L'ESS fait vivre les libertés dont la liberté associative
- L'ESS incarne la société civile
Le Président d'ESS France a insisté sur la mobilisation des acteurs de l'ESS face à un budget en inadéquation avec les enjeux. Il a rappelé que 186 000 emplois*** étaient menacés par le texte présenté par le gouvernement, sans oublier l'impact indirect des coupes annoncées pour les collectivités territoriales. Enfin, des menaces sectorielles s'ajoutent : le transfert de charges vers les complémentaires santé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les tentatives de revenir sur le taux de fiscalisation de l'IFI constituant des attaques sur la générosité des français et des entreprises.
Si le vote du budget se traduit par davantage d'inégalités et de discriminations, nous courrons à des catastrophes sociales et démocratiques.
*Rapport 2024 de l'ONG Vedem Institute**Indice AARD de la Fondation du Camp des Milles ***Union des Employeurs de l'Economie Sociale et Solidaire
Discours de Marie-Agnès Poussier Winsback, ministre déléguée chargée de l'ESS, de l'Intéressement et de la Participation
Marie-Agnès Poussier Winsback a remercié les acteurs de l'ESS "Merci pour tout le travail que vous faites chaque jour, je sais qu'il est colossal". La ministre a souligné l'importance d'avoir un ministère dédié afin "de mettre en avant les modèles économiques des structures de l'ESS et d'engager l'économie conventionnelle vers un capitalisme plus responsable".
Elle a salué les échanges constructifs avec l'écosystème depuis sa nomination : "Nos échanges sont francs, instructifs mais toujours bienveillants. Ils nourrissent la construction d'une feuille de route que je souhaite bâtir avec vous."
J'ai entendu vos inquiétudes concernant le budget. Je pense pouvoir en parler au passé (...) Nous aurons plus.
Marie-Agnès Poussier-Winsback a développé trois intuitions sur l'Economie Sociale et Solidaire :
- L'ESS est fondamentalement ancrée territorialement mais elle a une portée nationale forte
- L'ESS est une réponse à de nombreux enjeux de notre économie
- L'ESS est un sujet européen et international
La loi 2014 et ses 10 ans seront au coeur de la stratégie nationale pour l'ESS qui sera annoncée en 2025, avec l'objectif d'utiliser les moyens réglementaires et communicationnels pour la renforcer. La ministre a conclu en appelant à ce que le mois de l'ESS "soit porteur d'espoir".
Keynote : l'avenir de la démocratie en entreprise
Durant cette séquence, animée par Edwige Coupez, les intervenants ont apporté leur regard sur l'avenir de la démocratie en entreprise.
Abdelaali El Badaoui, entrepreneur social, fondateur de l’association Banlieues Climat était interrogé sur le pouvoir d'agir des citoyens et les moyens pour le renforcer. Il a insisté sur le travail d'organisations comme Emmaüs qui ont marqué son parcours et l'action qu'il porte au sein de Banlieues climat pour co-construire avec les habitants les réponses d'intérêt général aux besoins identifiés. Il utilise la métaphore du "plancton" sans lequel aucune biodiversité marine est possible : pour lui l'Economie Sociale et Solidaire joue un rôle similaire dans la vie de nombreux quartiers.
Amandine Lebreton, directrice du Pacte du Pouvoir de Vivre, a répondu à la question "Comment co-construire des politiques publiques avec la société civile organisée ?". Elle a mis en exergue le rôle de la société civile organisée et la nécessité d'espaces de réflexion collective et d'actions pour réparer la démocratie face à la verticalité du pouvoir et à la détérioriation de la concertation. Elle identifie 4 leviers :
- Le temps long : les coups de communication ont un effet délétère, il faut construire des processus sur le long terme
- Se retrousser les manches : les sujets sont complexes, il faut y être prêt
- Créer des espaces de confrontation, qui ne nient pas le débat et lui donne un lieu d'expression
- Accepter le compromis, sortir de son couloir de nage, accepter les différences
Lionnel Rainfray, à la tête du comité ESS du Medef a était interrogé sur l'apport des entreprises à la réalisation d'un bien commun. Il a noté des évolutions au sein de l'économie conventionnelle, où les entreprises sont plus nombreuses à sortir d'une logique uniquement de "profits" pour prendre "leur part" dans les enjeux sociétaux tels que la transition écologique, la création d'emploi et le partage de richesses, le sens au travail. Au sein du comité ESS du Medef, un travail a lieu pour créer des forums régionaux avec les Chambres régionales de l'ESS pour faire des ponts entre l'économie conventionnelle et l'Economie Sociale et Solidaire. L'objectif est que les entreprises conventionnelles puissent s'inspirer des valeurs et projets portés par l'ESS. Il a également insisté sur les enjeux de RSE et de responsabilité territoriale des entreprises auxquels l'ESS apporte une forte contribution.
Chloé Chevalier, autrice de science-fiction a travaillé sur le sujet "Comment peut-on imaginer des nouveaux récits démocratiques et utopiques?". L'autrice a apporté son regard à travers notamment son dernier livre "Les Essaims". Ce livre est une novela s'inscrivant dans le sous-genre du Space-Opera et proche du Solar-Punk, relevant d'une "anticipation optimiste et durable". Chloé Chevalier insiste sur la force des nouveaux récits face au catastrophisme "Effrayer c'est facile, plutôt que d'émerveiller sincèrement les lecteurices (...) Il y a une opposition en ce moment dans le milieu littéraire francophone de science-fiction : jouer sur la peur ou jouer sur l'espoir, la confiance, l'ouverture." Elle a appelé à revendiquer certains termes parfois utilisés comme des critiques tels que le mot "bisounours" : "Utopie n'est pas toujours synonyme de projet optimiste, c'est un horizon vers lequel on s'approche, un non-lieu qui ne cesse de s'éloigner à mesure que l'on s'approche, pour garder un cran d'avance". Elle a insisté sur le besoin d'une diversité, d'une pluralité des imaginaires "Le pluriel des nouveaux récits est important, il s'agit d'un flot de récits à renouveler. C'est bien la construction collective d'un récit commun."
Espérer ce n'est pas nier, dire que nous vivrons demain d'autres histoires ce n'est pas fermer les yeux sur les violences de notre époque. Nier l'obscurité, c'est aussi dangereux que de s'y vautrer. Mais espérons.
Remise des Prix de l'ESS 2024
Michel Jézéquel, Président du Jury des Prix de l'ESS a remis les prix de l'ESS 2024. Les Prix de l’ESS - inscrits depuis maintenant 9 ans dans le cadre du Mois de l’ESS - sont uniques par leur ampleur : ils dépassent les frontières de l'Île-de-France et mobilisent des forces vives à travers toute la France, dans chacune de ses 14 régions, ce qui les rend essentiels pour exprimer non seulement ce que nous faisons, mais aussi comment nous le faisons. Ils permettent de mettre en lumière des initiatives de l’ESS particulièrement inspirantes, qui illustrent à quel point l’ESS est un moteur de revitalisation démocratique, qu’elle redonne du pouvoir d’agir aux citoyens, qu’elle créé du lien social là où il se défait. Sur l’ensemble des régions participantes, ce sont cette année, 565 candidatures qui ont été déposées, toujours en augmentation par rapport aux éditions précédentes. Pour Michel Jézéquel, "ce dynamisme témoigne non seulement de l'engouement, mais aussi de l’importance des Prix de l’ESS dans le paysage national".
Les lauréats 2024 sont :
- Catégorie Utilité sociale : SNL-Prologues (Ile-de-France) : SNL-Prologues est une foncière solidaire agréée par l'État*, opérant sous la forme d’une coopérative en Union d'Economie Sociale, conformément à l’article 19 de la loi de 1947. Elle regroupe des associations d'insertion par le logement et des investisseurs solidaires. Son objectif est d’acquérir des bâtiments et logements pour les proposer aux personnes les plus précaires, notamment aux publics relevant du "115" sans logement ou dans un logement très dégradé. Dans l'esprit du "Logement d'Abord", SNL-Prologues offre de véritables logements, bien situés et de qualité, à des loyers très faibles, pour des personnes qui autrement, seraient prises en charge dans des hôtels ou des centres d’urgence. SNL-Prologues dispose de plus de 1200 logements en Ile de France (*foncière solidaire, MOI et ESUS).
- Catégorie Transition Ecologique : Fermes Partagées (Auvergne-Rhône-Alpes) : Et si l'ESS apportait des solutions face aux enjeux du secteur agricole ? Face aux défis de la transmission des fermes, de l'attractivité des métiers de l'agriculture, et aux nouvelles aspirations professionnelles, les Fermes Partagées soutient l'émergence, le développement et la pérennisation des fermes collectives et coopératives SCOP et SCIC en agroécologie. En agriculture, ces structures permettent de mettre en place des fermes diversifiées, plus facilement transmissibles, bâties sur l'entre-aide et la résilience, tout en assurant une protection sociale pour les paysannes et paysans.
En savoir plus sur les lauréats en découvrant leurs vidéos de présentation sur la chaîne YouTube d'ESS France. Et découvrez l'ensemble des lauréats régionaux dans le guide des initiatives remarquables 2024 !
Découvrir la vidéo de SNL-Prologues
Découvrir la vidéo des Fermes Partagées
Conclusion d'Antoine Détourné, Délégué général d'ESS France
Antoine Détourné, a rappelé que le Mois de l'ESS était une initiative crée en novembre 2005 en PACA elle s’est ensuite étendue dans toute la France à partir de 2007. L’année 2024 marque ainsi la 17ème édition du mois de l’ESS et 4 semaines thématiques rythment le mois. Les Chambres régionales de l’ESS animent en région ce mois qui est coordonné au niveau national par ESS France. Il a souhaité remercier vivement les partenaires du Mois de l'ESS : le CFF, le Groupe Vyv, le Crédit Coopératif, le ministère de l’Economie, l'Ademe, la Banque des Territoires, UpCoop et la Banque Populaire.
Le délégué général d'ESS France a révélé la nouvelle campagne du Mois de l'ESS 2024.
- Dans les transports tout d'abord, dans le cadre d'un partenariat avec Médiatransports, la campagne bénéficiera de 535 000 diffusions dans les gares de France pendant 7 jours du 4 au 10 novembre. Cette campagne vise à montrer que l’ESS incarne une vision résolument tournée vers l’avenir, en mettant l’humain, la justice sociale et l’égalité au cœur des ses pratiques économiques. À contre-courant des modèles traditionnels, l’ESS propose un modèle inclusif où la gouvernance est partagée et les décisions sont prises collectivement.
- Sur le plan numérique : une campagne qui prend également une forme digitale sur les réseaux sociaux (Facebook et Linkedin) avec une sponsorisation pendant 6 jours début novembre sur Facebook et Linkedin. Dans un contexte de défiance démocratique, les acteurs de l'ESS insistent sur la nécessité de recréer du lien entre les citoyens et les processus de délibération collective à travers cette campagne. Elle constitue un véritable écho aux préoccupations des Français, plus des 2/3 d’entre eux considérant le recours au 49.3 comme non démocratique (Le Figaro) et 83% des français se déclarent attachés au régime démocratique, tandis que 85% estiment que trop de décisions sont prises à Paris par des personnes déconnectées de la réalité du terrain (Harris Interactive)