Le portrait d’Annie Berger, militante de l’économie solidaire

Publié le 22/09/2023

Je suis persuadée qu’il faut toujours partir des personnes qui sont le plus en difficulté et leur faire confiance pour monter les choses, parce que l’auto-gestion est le modèle politique qui permet de ne pas mettre les gens au bord de la route tout en les rendant acteurs.

Annie Berger née en 1943 en Normandie mais sa famille déménage rapidement à Paris dans un contexte difficile : ses parents rencontrent d’énormes difficultés de logement et d’emploi, mais ils ont la ferme ambition de voir tous leurs enfants aller jusqu’à la fin de leur parcours scolaire. Originaire d’un milieu plutôt conservateur et catholique, elle et son frère ainé deviennent, jeunes, très sensibles à la question de l’injustice dans le contexte de la guerre d’Algérie et de la fin de la colonisation française.

Dès l’âge de 19 ans, Annie Berger devient éducatrice. Elle se marie et aura 4 enfants : “ce n’était pas rien que de concilier vie professionnelle, familiale et engagement politique ». Son mari et elle, adhérèrent au PSU en 1965 dans un contexte où « on était assez nombreux à vouloir changer le monde et faire bouger les rapports femmes-hommes ». Son mari, féministe, l’accompagne dans ses engagements. De 1964 à 1968, elle fait des études de psychologie et de sciences de l’éducation à Nanterre. L’expérience est enrichissante de par les méthodes pédagogiques et l’univers progressiste au sein duquel elle se forme.

A la fin de ses études, son professeur de sciences de l’éducation, Gilles Ferry, lui propose un poste de psychosociologue dans un des trois lycées pilotes à Enghien-les-Bains. Elle y aura la charge de renforcer les liens parfois difficiles entre professeurs, élèves et parents. Elle reste trois ans en poste puis, après la naissance de son troisième enfant, arrête de travailler pendant les cinq années suivantes. Ce sont pendant ces années là que son engagement politique et associatif, notamment au sein de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, fut le plus important. Lorsqu’Annie et sa famille déménagent à Caen, elle y réalise des missions à temps partiel pour l’accueil des familles de migrants et les premières démarches d’alphabétisation, notamment des femmes. Cinq ans après, le maire de la ville d’Hérouville Saint Clair la recrute comme agent de développement social des quartiers populaires où, pendant 7 ans, sa démarche consistera surtout à soutenir des projets de femmes dans une approche interculturelle.

Annie Berger sera ensuite enseignante à l’institut de formation des travailleurs sociaux sur le développement social local, puis animatrice du centre d’information des droits des femmes de Caen. (CIDFF). Son souci sera d’aider à la création d’activités socio-économiques, un des objectifs du CIDFF : « Les femmes réinventent l’économie » en visibilisant les projets et réalisations portés par des femmes dans une perspective d’économie solidaire.

Son parcours

1968 à 1971 : psycho sociologue au Lycée d’Enghien
1986 à 1993 : Chargée de mission « développement social de quartiers à Hérouville Saint Clair"
1994 à 2000 : Animatrice du CIDFF de Caen
1993 à 2002 : présidente de l’ADSP Agence de Développement des Services de Proximité
2017 à 2021 : Présidente de l’Entreprise à But d’Emploi à Colombelles.

Engagement dans l'ESS

Militante engagée pour l’économie solidaire, Annie Berger participe à la création de différentes initiatives pour étudier et promouvoir son développement.

L’Agence de développement des services de proximité

En 1987, Annie Berger découvre les travaux d’économistes et de sociologues, parmi lesquels se trouvent Jean-Louis Laville et Bernard Eme, qui proposent d’accompagner les quartiers touchés par d’importantes problématiques sociales économiques afin d’étudier et analyser les initiatives des habitants qui répondent à leurs propres besoins. Elle rencontre ces chercheurs et adhère à la mise en place d’une agence de développement des services de proximité. Une trentaine d’acteurs économiques français et européens se réunissent alors autour d’un programme d’échange et de réflexion méthodologique pour une société plus juste et émancipatrice. Annie Berger participe au programme de recherche-action qui en découle, l’agence est créée et elle en devient la présidente, un guide des initiatives de services de proximité solidaires est publié. C’est aussi le début de l’institutionnalisation du développement de l’économie solidaire sur le territoire normand.

L’Association régionale pour le développement de l’Economie solidaire (ARDES)

En 1994, Annie Berger participe également à la création de l’Association régionale pour le développement de l’Economie solidaire (l’ARDES) en Normandie qui regroupe les citoyens et acteurs économiques désireux de faire valoir un autre mode de développement économique, plus soucieux des besoins humains et de l’environnement.

Le Réseau Intercontinental de Promotion de l’Economie Sociale et Solidaire (RIPESS)

En1998, Annie Berger participe à la construction du Réseau Intercontinental de Promotion de l’Economie Sociale et Solidaire (RIPESS) à Lima au Pérou. Le réseau agit pour la création de coopérations internationales autour de l’économie solidaire.

Le Mouvement pour une Economie Solidaire (MES)

Annie Berger contribue enfin à la création du MES en 2002 qui regroupe les acteurs qui s’inscrivent dans une démarche d’économie solidaire recouvrant beaucoup d’initiatives différentes comme les régies de quartier, les AMAP ou le commerce équitable. Pour le MES, l’économie est un moyen au service d’un projet de société basée sur des valeurs de solidarité.

Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée

Anne Berger est élue à la ville de Caen de 2006 à 2012 avec une délégation consacrée à l’économie solidaire. En 2015 Elle incite la ville de Colombelles, marquée par la désindustrialisation des années 90 et un chômage persistant, à participer à l’expérimentation nationale Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée, une initiative d’ATD Quart Monde. Le projet consiste en la réallocation des minimas sociaux dans le financement et la création d’emplois d’utilité sociale à destination de personnes exclues du marché du travail et portés par une entreprise à but d’emploi (EBE). Le projet de Colombelles ayant été validé, Annie Berger présidera l’EBE de Colombelles pendant cinq ans.

Enfin, en 2012, elle participera à la création de l’Association des Amis du Printemps Arabe et de la Tunisie (LAPAT), avec l’idée, dans le contexte de la construction d’une société démocratique en Tunisie et de rapports difficiles entre les deux rives de la méditerranée, de développer des échanges culturels, économiques et sociaux, dans une démarche réciprocitaire, notamment avec les jeunes et les femmes.

Exemples d’initiatives citoyennes

Des initiatives citoyennes dans l’agglomération de Caen

Association « la Voix des Femmes » qui a fêté ses 30 ans en 2022, qui regroupe annuellement plus de 200 femmes.
L’association Coup de pouce santé, une mutuelle autogérée par ses adhérents accessible aux familles les plus modestes.
La maison des solidarités, qui abrite une quinzaine de structures de solidarité internationale et locale, autogérée par ses membres.