Etude sur les schémas logistiques mutualisés des organisations de l'ESS pour développer le réemploi des matériaux du bâtiment
Le secteur de la construction et de la démolition (BTP) est à l’origine de 70% des déchets produits en France chaque année, soit 224 millions de tonnes de déchets produites en 2020 selon l’ADEME (source : ADEME, Déchets chiffres-clés – Édition 2020). Le secteur du bâtiment produit à lui seul 46 millions de tonnes de déchets. À l’occasion de la création de la filière à Responsabilité Elargie du Producteur (REP) dédiée au secteur du bâtiment, il semble donc primordial de faire de ce secteur un secteur exemplaire en matière de prévention et de réemploi des déchets. En effet, la Directive-cadre Déchets européenne n°2008/98/CE a défini depuis 2008 la hiérarchie des déchets qui préconise de privilégier en premier lieu l’évitement et le réemploi des équipements et matériaux avant d’envisager leur recyclage dès lors que cela est possible. Or, l’ADEME, dans son étude de préfiguration de la filière REP Produits et Matériaux de Construction du secteur du Bâtiment (PMCB) publiée en avril 2021, estime que « moins de 1% du gisement de PMCB fait aujourd’hui l’objet de réemploi ».
Depuis plusieurs années, des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) ont permis l’émergence d’une filière innovante de réemploi des matériaux du bâtiment et ont démontré son efficacité environnementale et sociale. Considérant la pression exercée sur les matières premières vierges et la pénurie actuelle de certains matériaux, notamment dans le secteur de la construction, ainsi que la nécessité de diminuer les impacts négatifs sur l’environnement, de plus en plus d’initiatives de ce genre se développent aujourd’hui au coeur des territoires. Si aujourd’hui les structures se développent et pérennisent leur activité, il n’en reste pas moins qu’elles rencontrent des contraintes importantes, notamment en matière de logistique :
- Les moyens associés au réemploi des matériaux (zone de stockage, logistique…) ne permettent pas d’absorber de gros gisements ;
- La pression foncière est telle qu’elle encourage la mutualisation des espaces d’activités ;
- Le décalage spatio-temporel entre l’offre de gisement et la demande d’exutoire vers de nouvelles opérations oblige les structures à trouver des réponses physiques (zones de stockage) et logistiques (déplacements des matériaux) ;
- Le poids de la logistique dans les opérations de réemploi impacte très fortement les prix de vente des matériaux ; elle représente parfois jusqu’à 50% du prix de vente selon une étude menée par l’ADEME en Normandie et en Île-de-France. Cela questionne la rentabilité des activités qui prennent en charge la logistique, le stockage et la revente des produits issus du réemploi.
Dans ce contexte de déploiement de la filière au niveau local, les acteurs de l’ESS ressentent le besoin de partager leurs expériences, de monter en compétences, de disposer d’espaces de coopération pour défendre et promouvoir les spécificités de leurs modèles.
L’objectif principal de cette étude est, pour les acteurs de l’ESS spécialistes du réemploi des matériaux du bâtiment, de trouver un modèle organisationnel et logistique à l’échelle de leurs activités (régionale ou infrarégionale dans certains cas), économiquement et environnementalement viable. Compte tenu du développement actuel de la filière, et du rôle précurseur qu’ont joué ces organisations, il semble primordial de faire émerger des solutions collectives et un schéma de coopération entre elles, au service du maintien de leur activité et de leur développement. Cela permettra de continuer à promouvoir une approche du réemploi à fort impact social et territorial, face à une conception uniquement tournée vers la rentabilité de l’activité portée par certains nouveaux entrants sur ce marché.
Les objectifs sous-jacents pour les structures de l’ESS sont donc :
- Massifier le stockage (via de la mutualisation si cela s’avère pertinent), qui permet d’envisager la massification de la collecte et la redistribution des matériaux, actuellement compliquée pour des acteurs fortement limités par leurs capacités foncières ;
- Optimiser les coûts économiques et environnementaux de la logistique, en développant la complémentarité des activités, et ainsi consolider les modèles économiques des structures ;
- Faciliter l’engagement des maîtres d‘ouvrage, des maîtres d’oeuvre et des professionnels du bâtiment dans des projets intégrant le réemploi des matériaux du bâtiment, en développant des solutions logistiques répondant à leurs besoins.