Elections 2022 : Décryptage · Epargne
Convertir l'économie · L'offre d'épargne réglementée
Proposition de Yannick Jadot, dans son Programme
Nous mobiliserons l’épargne au service du climat et de la justice sociale. Le Livret développement durable et solidaire financera uniquement des projets favorables à l’environnement ou solidaires. Nous rendrons plus transparent l’impact social et environnemental des placements financiers pour faciliter l’orientation de son épargne.
Proposition de Valérie Pécresse, dans son Programme
Je créerai le livret Vert en fusionnant le livret A avec le livret développement durable LDD pour financer la transition écologique : 120 milliards d’euros de prêts sur 5 ans pourront ainsi être mobilisés pour les chefs d’entreprise développant des projets bas carbone.
Compatibilité à l'ESS : Plutôt compatibles 🟡 et Contraire 🔴
L'analyse d'ESS France
Pour le développement de la finance solidaire, les produits d’épargne réglementée sont un enjeu majeur de mise en visibilité de l’épargne solidaire auprès du grand public (24 millions de détenteurs d’un LDDS et 55 millions d’un livret A). Depuis le 1er octobre 2020, les épargnants détenteurs d’un livret de développement durable et solidaire (LDDS) peuvent faire un don aux entreprises de l’ESS – association, fondation, mutuelle, coopérative, certaines sociétés commerciales, etc. – à partir des intérêts perçus et/ou du capital déposé sur le livret.
En outre, depuis juin 2020, le nouveau mécanisme de fléchage vers l’ESS d’au minimum 5% de l’encours du LDDS et du livret A, non centralisé à la Caisse des dépôts, représente un financement de l’ESS estimé aux alentours de 35,5 milliards d’euros fin décembre 2020 par la Banque de France. Cela représente donc en moyenne 19,5 % de l’encours des ressources non centralisés du Livret A et du LDDS – soit un niveau global bien au-delà du seuil plancher réglementaire de 5 %.
Par ailleurs, les deux autres emplois obligatoires de l’épargne réglementée non centralisée à la Caisse des dépôts concernent le financement :
- des PME (le minimum est fixé à 80 % et ce taux a été de 297 % en 2020) ;
- de la transition écologique et énergétique (le minimum a été fixé à 10 % et ce taux n’a été que de 9,7 % en 2020).
Proposition de Yannick Jadot “Le Livret développement durable et solidaire financera uniquement des projets favorables à l’environnement ou solidaires” : Plutôt compatible
La mobilisation de l’épargne au service de l’écologie et de la justice sociale s’aligne sur une vision de la finance inclusive, prônée par les acteurs de l’ESS. Le financement de projets favorables à l’environnement ou solidaires par la partie non centralisée du livret A et du LDDS fait écho aux aspirations grandissantes des citoyens à avoir accès à des produits financiers qui concourent aux transitions sociale et écologique. La transformation du LDD en LDDS et sa pleine entrée en vigueur fin 2020 apportent un début de réponse positive à cette attente.
Il faut toutefois noter que le fléchage vers la transition écologique et climatique et vers l’ESS de ces ressources ne représentait en 2020 que 29,2 % de l’encours non centralisé de ces deux livrets. L’explication en est simple : cet encours doit être fléché au minimum à 80 % vers le financement des PME car le CODEVI, dont le LDDS est l’héritier, finançait au départ uniquement les PME. Sauf à supprimer brutalement ce financement des PME, nécessaire à notre économie, il n’est pas possible de réorienter rapidement de tels flux financiers.
Les acteurs de l’ESS sont donc favorables à la proposition de Yannick Jadot en tant qu’elle invite à relever progressivement la proportion du financement fléché vers la transition écologique et climatique et vers l’ESS mais ce relèvement ne pourra qu’être progressif, en veillant à ce que le financement des PME reste correctement assuré par ailleurs.
En revanche, pourrait être rapidement adoptée l’extension au livret A de la faculté du don solidaire appliquée au LDDS depuis 2020. Cela permettrait d’aligner entièrement le régime d’utilisation des ressources non centralisées à la Caisse des dépôts de ces deux livrets et de donner plus de sens à l’épargne déposée sur le livret A, en soutenant les modèles non lucratifs ou à lucrativité limitée de l’ESS, porte-drapeau d’un modèle économique responsable et inclusif. Ce serait aussi une très bonne façon de sensibiliser tous les ménages français à l’épargne solidaire.
Proposition de Valérie Pécresse : “Je créerai le livret Vert en fusionnant le livret A avec le livret développement durable LDD pour financer la transition écologique” : Contraire
Un livret Vert fusionnant le livret A et le livret développement durable (LDD) pour financer la transition écologique pose plusieurs questions. La candidate Valérie Pécresse parle par erreur de LDD, alors qu’il est devenu LDDS depuis fin 2016 avec la loi Sapin II – entré en vigueur en octobre 2020.
Dans un premier temps, cette fusion impliquerait qu’il ne reste qu’un seul livret d’épargne réglementée à la disposition des épargnants. Un point de vigilance porte sur l’augmentation du plafond du futur livret Vert. Aujourd’hui, le plafond du LDD est fixé à 12 000 € et celui du livret A à 22 950 €. Dans l’hypothèse d’une fusion, la candidate Valérie Pécresse devrait clairement indiquer que le plafond du livret Vert sera égal à la somme des plafonds actuels des deux livrets, faute de quoi l’instauration d’un seul et unique produit d’épargne réglementée serait défavorable aux épargnants et aux acteurs économiques.
La candidate Valérie Pécresse ne mentionne pas non plus clairement si dans son esprit le futur livret Vert financera exclusivement la transition écologique ou seulement partiellement. La mobilisation supplémentaire de 120 Mds€ qu’elle mentionne sur 5 ans au profit de projets bas carbone accrédite plutôt l’idée que cette mobilisation ne sera que partielle puisque l’encours non centralisé du livret A et du LDDS atteignait déjà 183 Mds€ fin 2020 et que le supplément d’épargne mobilisé en faveur de la transition écologique sera selon elle en moyenne de 24 Mds€ par an. Si l’on se rappelle aussi que la variation de l’encours non centralisé du livret A et du LDDS a été de 16 Mds€ en 2020, année au cours de laquelle il y a eu un surcroît d’épargne des ménages sur les livrets en raison de la crise sanitaire, mais de seulement 7 Mds en 2019, la proposition de la candidate Valérie Pécresse implique sans doute de diminuer la proportion de cet encours finançant les PME et/ou l’ESS. Il faudrait donc qu’elle clarifie ce qu’elle entend faire exactement car baisser le financement des PME ou de l’ESS ne peut pas se faire brutalement, comme cela a été rappelé ci-dessus.
Si la proposition consistait à flécher intégralement le financement de ce nouveau livret Vert vers la transition écologique et climatique, c’est-à-dire à 100 % au lieu de 10 % actuellement, elle poserait de graves problèmes aux PME et à l’ESS.
Enfin, la proposition est déséquilibrée en ce qu’elle aboutit à opposer la transition écologique à la transition sociale ou solidaire. L’épisode récent des Gilets jaunes nous a rappelé, pour celles et ceux qui l’ignoraient encore, qu’on ne pouvait pas opposer dans notre pays transition écologique et transition sociale, au risque d’un rejet de toute transition écologique si elle qui ne s’accompagnerait pas d’une prise en compte de ses impacts sociaux, notamment auprès des ruraux et des personnes en situation de fragilité. Actuellement, le livret A et le LDDS financent des projets à vocation sociale, comme le logement social ou la politique de la ville, et supprimer ces financements aurait des effets très négatifs sur la cohésion sociale. De ce point de vue, la proposition du candidat Yannick Jadot évite cet écueil puisqu’il maintient le financement de projets favorables à l’environnement ou solidaires.