Avis du CSESS sur le bilan de la loi ESS de 2014
Découvrez l'avis du CSESS sur le bilan de la loi 2014 sur l'ESS
Les organisations représentatives de l’ESS ont été sollicitées par Marlène Schiappa, ancienne Secrétaire d’Etat à l’ESS et à la Vie associative pour contribuer à l’évaluation de la loi dite « Hamon » du 31 juillet 2014. Cette évaluation, logiquement confiée au CSESS, a conduit à l’écriture d’un projet d’avis qui a été soumis à l’approbation des membres du CSESS.
Les travaux ont été conduits par un groupe de travail ad hoc animé par Frédéric Tiberghien, composé de membres du CSESS et de nombreux experts extérieurs. Le choix de cette méthode de travail témoigne des ambitions et de l’état d’esprit qui ont guidé les travaux : assurer une représentativité de l’ESS tout en ouvrant largement les réflexions.
Quand bien même ce travail s’est nourri de nombreuses études et contributions, il a néanmoins été déploré à de nombreuses reprises le manque de données permettant de préciser les dynamiques en cours et les évolutions de l’ESS ; cette faiblesse de la statistique propre à l’ESS est de fait un manquement à la mise en œuvre d’un objectif de la loi.
Globalement, le contenu du projet d’avis repose sur une analyse exhaustive et précise des dispositions législatives, qui a non seulement permis de confronter aux réalités les ambitions initiales fixées par le Législateur, mais également d’esquisser les actions futures à entreprendre pour engager les prochaines étapes de développement de l’ESS.
Sur les points majeurs de la loi relevant des dispositions transversales à l’ESS, le contenu du projet d’avis est en accord avec les orientations exprimées par les acteurs de l’ESS, et adoptées lors du conseil d’administration d’ESS France.
Ainsi, le projet d’avis exprime tout d’abord la satisfaction globale des acteurs à l’égard de la loi, celle-ci demeurant l’œuvre législative française la plus aboutie en matière d’ESS, et qui fait même école en Europe et dans le monde. Cette loi a permis à la fois de reconnaitre l’ESS comme « mode d’entreprendre et de développement économique », de définir des principes communs et innovants de gestion et de gouvernance d’entreprise, et d’en faire un véritable objet de politiques publiques.
Cependant, si l’avis note à juste titre que « la notoriété de l’ESS semble avoir progressé », notamment auprès des représentants des pouvoirs publics, l’avis indique également que les objectifs de développement de l’ESS fixés en 2014 par le Législateur n’ont pas été atteints : « L’ambition du changement d’échelle de l’ESS affichée en 2014 ne s’est donc pas encore traduite dans les faits, faute de politiques publiques volontaristes et de moyens à la hauteur d’une telle ambition. ». Ces éléments tendent à confirmer l’analyse produite par ESS France en la matière, qui regrette le manque de constance dans la volonté politique, dans l’organisation administrative et dans les moyens financiers de l’Etat, permettant de déployer une authentique stratégie de développement de l’ESS.
L’avis recommande au Parlement le vote d’une loi de programmation permettant d’honorer les ambitions de la loi de 2014 : « une loi de programmation règlerait la question principale laissée ouverte par la loi de 2014, qui est celle des moyens dévolus aux institutions de l’ESS pour assurer leurs missions législatives et réglementaires et le dialogue avec les pouvoirs publics, insuffisants à l’heure actuelle, et le développement de l’ESS dans toutes ses composantes, avec en perspective une ambition de changement d’échelle non honorée jusqu’à présent », position également adoptée par le Conseil d’administration d’ESS France, qui considère cette loi de programmation prioritaire sur toute autre ambition législative, bien que quelques propositions légitimes d’évolutions législatives ont été faites.
Concernant la définition du périmètre de l’ESS, le projet d’avis exprime la satisfaction globale des acteurs vis-à-vis de la rédaction de l’article 1, et considère que celui-ci ne nécessite pas d’évaluation plus approfondie, d’autant plus que ce périmètre inspire les dynamiques de reconnaissance de l’ESS en Europe et à l’international : c’est notamment le cas de la récente résolution onusienne de reconnaissance de l’ESS, et du projet de recommandation du Conseil européen.
Cette position est en accord avec les orientations votées par les instances d’ESS France, qui avaient rappelé le caractère essentiel des principes communs de gestion et de gouvernance des entreprises de l’ESS. Ceux-ci garantissent en effet que l’ESS est :
- non motivée par la lucrativité mais par le partage de la richesse et de la valeur, ainsi que par l’intérêt collectif ou général ;
- animée par l’implication des personnes à travers le plus souvent par la propriété collective ;
- et organisée selon des modalités de gouvernance démocratique.
Ces principes forgés par les différentes formes statutaires de l’ESS sont plus que jamais modernes à l’heure où nombre d’entreprises et d’entrepreneurs souhaitent adopter des règles de fonctionnement adaptées aux enjeux de transition écologique, sociale et démocratique.
En ce qui concerne l’écosystème territorial, il convient malheureusement d’observer que les missions accordées aux CRESS n’ont pas été suivies du financement approprié, ce qui demeure pénalisant au regard du caractère globalement incomplet et peu lisible de l’offre de services. Surtout, placé dans une situation dégradée par rapport à l’écosystème des entreprises « conventionnelles », celui de l’ESS se trouve de fait désavantagé dans son développement au regard des moyens publics engagés.
L’avis identifie également des espaces d’amélioration de la coordination et de l’engagement des collectivités en faveur de l’ESS, notamment pour corriger des angles morts nés de l’adoption de la loi NOTRE postérieurement à la loi du 31 juillet 2014. Si nous ne remettons pas en cause la compétence des régions en matière de développement économique, donc de l’ESS, force est de constater que de nombreuses autres collectivités territoriales sont des actrices essentielles dans le soutien au développement de l’ESS ; elles doivent trouver leur place légitime dans la définition de politiques territoriales.
ESS France appelle enfin à ce que cet avis, qui a bénéficié de la collaboration des réseaux d’acteurs de l’ESS, serve d’appui aux éventuels futurs travaux d’évaluation qui seront entrepris par les parlementaires.